Curriculum vitæ de Gilbert Ramus
DIPLÔMES
Pour les organismes : Gepa, Conseils régionaux de l’Ordre des architectes, Écoles d’architecture, Université de Paris XII Val-de-Marne, Institut d’urbanisme de Paris, Credef, Efe, Caue 77 & 95, Ursal, Sesame, Ogbtp, Crepa, Aepi/Cicf, Euroforum, Le Moniteur, Les Rencontres d’Affaires, A3i, Ivf, Enpc, École Centrale, Archiform 5962, International Terra Institute
ENSEIGNEMENT
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Architecte chef d’agence de 1967 à 1976
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Architecte associé (Georges JACQUET +, Alain PARÉ) de 1977 à 1997 : entre autres opérations : hôpital général (HAGUENAU), hôpital de la Croix-Saint-Simon (PARIS), clinique du Tertre Rouge (LE MANS), hôpital LARIBOISIÈRE (réhabilitation de plusieurs services) (PARIS), siège social et usine NIVÉA (MELUN-SÉNARD), logements sociaux (LORRAINE), promotion privée (ILE-DE-FRANCE), etc
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Ancien membre du CCNRA, Comité consultatif national de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics, désigné par arrêté ministériel du 24/02/92
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Ancien expert près les Cours administratives d’appel de PARIS et de VERSAILLES, spécialité : marchés publics de maîtrise d’œuvre et de travaux, loi MOP, concours
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Autres activités : enseignant, assistant à maîtrise d’ouvrage, auteur
PRINCIPALES ÉTAPES DU PARCOURS PROFESSIONNEL
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Chevalier de l’ONM, Ordre national du mérite
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Président d’honneur de l’OCPP, Observatoire de la concurrence « public-privé »
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Ancien administrateur de l’OGBTP, Office général du bâtiment et des travaux publics
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Ex président de la Commission juridique de l’UNSFA
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Architecte honoraire
TITRES ET FONCTIONS
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Diplômé en 1960 de l’École spéciale d’architecture, PARIS
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Diplômé en 1969 de l’ICH, Institut d’études économiques et juridiques appliquées à la construction et à l’habitation, PARIS
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Formateur de coordonnateurs SPS (coordination sécurité et protection santé)
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Livre de la collection AFNOR pratique : “Maîtriser le CCAG des marchés privés de travaux” (norme NF P 03 001) – Auteur : Gilbert RAMUS, janvier 2001
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Revue « Contrats publics » : n°38, novembre 2004 « La loi MOP, état des lieux », n°44, mai 2005 « Spécificité des marchés de services », n°79, juillet-août 2008 « Marchés de maîtrise d’œuvre », n°136, octobre 2013 « Rémunération du maître d’œuvre et intérêt de la collectivité », n°142, avril 2014 « Il faut aider les maîtres d’ouvrage à écarter les offres anormalement basses », n°172, janvier 2017 « La loi MOP doit-elle évoluer ? », n°176, mai 2017 « Les valeurs de l’architecture »
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Revue « Passion-architecture » (du n°1 en 2002 au n°72 en avril 2020)
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Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment : n°4729 « Le guide des rémunérations loi MOP », n°4799 « Les contrats types de maîtrise d’œuvre », n°4782 « Les praticiens à la recherche du vrai prix », n°5053 « Un décret simplifiera le CMP », n°5103 « Les séries de prix », 5104 « Le dessous des prix”, n°5139 « Loi MOP au 1er euro », n°5154 « Concurrence public-privé », n°5175 « Absurdie concurrentielle », n°5214 « Plans d’exécution », n°5318 « Compte prorata », n°5342 « Violences urbaines », n°5406 « Les ordres de service dans le CCAG travaux », n°5429 « OS : plaidoyer pour l’efficacité », n°5692 « Les agences locales d’ingénierie enflamment la maîtrise d’œuvre »
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Revues : de l’ICH, du CNOA (numéro hors série sur la loi MOP), du CROAIF (coordination SPS)
PUBLICATIONS
Histoire abrégée et romancée à la gloire d’un syndicaliste
… architecte …
par Gilbert Ramus • Janvier 2022
Chef d’agence auprès de deux très bons architectes, j’ai engagé modestement mon activité d’intérêt collectif avec deux lettres.
La première à l’Ordre des architectes
La seule chose que je voyais d’un Ordre dont le nom même (Conseil supérieur de l’Ordre) m’impressionnait, était le barème obligatoire imposant aux architectes (et donc à mes patrons) divers taux d’honoraires appliqués aux montants des travaux.
Par ailleurs, au niveau national, cherchant les moyens de juguler l’inflation (alors à deux chiffres), un ministre des finances a demandé à toutes les entreprises d’appliquer volontairement un rabais sur leurs prestations. Comme la plupart des organisations professionnelles, celles des entreprises de bâtiment se sont lancées courageusement dans la manœuvre.
Ne voulant sans doute pas rester en arrière, l’Ordre a demandé à ses membres de réduire de 5 % les taux du barème. Consternation de ma part : en termes très respectueux dus aux membres de l’institution ordinale, je leur disais à peu près ceci : « Bande de crétins, en appliquant des taux d’honoraires inchangés à des montants de travaux réduits de 5%, nos honoraires baissaient déjà de 5 %.
Ma seconde lettre s’adressait à la MAF
Préparant avec mes patrons la déclaration à la MAF de leurs travaux annuels, je m’aperçois qu’ils ne sont pas couverts (décennale) pour les années suivantes … à moins qu’ils ne soient toujours adhérents.
Alors, quid en cas d’interruption de carrière et évidemment au moment de la retraite ? Un système calculait une somme à payer (subséquente) pour que l’architecte soit couvert pour les neuf années suivantes.
J’écris donc à la MAF pour souhaiter que la prime annuelle couvre complètement les responsabilités décennales des travaux déclarés. Mon syndicat parisien invite M. Lopez, très compétent et amical directeur de la MAF. Il m’écoute et nous dit : « Mr Ramus, ce serait mieux, mais ce serait trop difficile de passer d’un système de répartition à un système de capitalisation ; ce que vous souhaitez est impossible » fermez le ban. Quelques années plus tard, la loi du 4 janvier 1978 (Adrien Spinetta) imposait que les primes payées au moment de la réception des travaux couvrent tous les acteurs pour toute la durée légale de leurs responsabilités. Là où Mr Lopez avait raison : on a « traîné » pendant plus de dix ans le coût du difficile passage d’un système à un autre.
Avoir raison incite à poursuivre.
A propos de l’ICH
L’histoire mérite d’être contée. Dans les années 50, le Professeur de droit Georges Liet-Vaux était le conseil juridique du Conseil supérieur de l’Ordre des architectes. Consterné par l’ignorance crasse des architectes sur tout ce qui était juridique, réglementaire et même normatif, il propose aux conseillers ordinaux de créer un lieu d’enseignement pour les architectes. Refus dédaigneux de l’Ordre : déjà la négation du besoin de formation tout au long de la vie professionnelle.
Le Professeur Liet-Vaux, convaincu que l’exercice de la profession d’architecte nécessitait l’acquisition de savoirs juridiques que ne donnent pas les écoles d’architecture, finit en 1960 par créer, avec le CNAM, l’ICH1, destiné à des professionnels en activité (cours du soir et le samedi).
Il s’attend à l’afflux des architectes conscients de leurs manques : deux architectes seulement répondent à l’offre, mais l’Institut est tout de suite rempli par tous les professionnels de l’immobilier, promoteurs, administrateurs de biens, experts, ingénieurs, entrepreneurs, et bien d’autres, qui eux, avaient bien compris qu’une certaine maîtrise du droit était nécessaire, quels que soient les métiers, et que la formation continue était un atout pour tous les professionnels.
Je suis l’un des deux architectes inscrits la première année à l’ICH, car, bien que bac+8 (math sup, mat spé et 6 ans d’école), je n’y connaissais rien en droit et mes patrons non plus, alors qu’ils signaient des contrats et dirigeaient des chantiers engageant leurs responsabilités pour plus de dix ans.
Tranquillement, j’ai fait l’ICH à raison d’une ou de deux valeurs par an.
1 CNAM : Conservatoire national des arts et métiers • ICH : « Institut d’études économiques et juridiques appliquées à la construction et à l’habitation », qui deviendra le plus grand institut de formation aux métiers de l’immobilier.
Les débuts de la formation
Les « textes de 1973 » ont bouleversé les architectes à un point qu’on n’imagine pas. Deux livres de 245 pages (dont l’un comportait plusieurs milliers de chiffres à manier avec beaucoup de discernement) les rebutaient. Comme j’avais sans doute mieux cherché à les comprendre et surtout à les appliquer sans trop de dégâts, mon syndicat m’a demandé d’aller les expliquer aux architectes. Bien sûr, je n’étais pas seul et d’autres architectes (deux étaient centraliens) portaient la bonne parole. Mais ce fut pour moi la première occasion de déplorer le peu d’appétence des architectes pour la formation : ils ont commencé à laisser partir vers d’autres professionnels des pans entiers de leur métier.
Les contrats
Mon diplôme de l’ICH me piège : l’UNSFA compte sur moi pour mettre à jour les modèles de contrats types d’architectes. L’objectif est clair : les architectes ne doivent plus signer n’importe quoi, dans un contexte réglementaire de plus en plus complexe.
De fait, je suis « piégé » pour plusieurs décennies, car quel que soit l’organisme en charge de l’élaboration des modèles de contrats (UNSFA, CNOA, et aussi BERCY pour les contrats publics), j’ai eu la confiance des participants aux groupes de réflexion dont les membres se succédaient, alors que je ne cessais d’accumuler savoirs, expériences et argumentations.
Pour exemple : les contrats en un seul document devenaient un fatras mélangeant tout, compliqué et lourd à adapter spécifiquement à chaque contenu de mission. J’ai convaincu des architectes réticents à prendre modèle sur les marchés de travaux, qu’il valait mieux rédiger un CCAP aux clauses et principes bien clairs, et un CCTP uniquement dédié à la description de missions de plus en plus variées, et … détaillées.
Avec quelque prétention, je peux dire qu’il y a un peu de « Ramus » dans tous les modèles de contrats (publics et privés) de maîtrise d’œuvre, régulièrement mis à jour.
L’expertise
Mon diplôme de l’ICH me sert, ainsi que ma connaissance des textes de 73 dont les contentieux commencent à occuper les tribunaux administratifs. Le 23 juin 1977, je suis inscrit sur le tableau des experts près le Tribunal administratif de Paris avec comme spécialité « Marchés d’ingénierie et d’architecture » (ma spécialité s’adaptera ensuite).
Pendant plus de trois décennies, (pour le TAP mais aussi pour la Cour d’appel et le Tribunal de commerce), j’ai analysé l’exécution et les comptes d’une multitude de marchés, principalement de travaux, mais impliquant le plus souvent, outre le maître d’ouvrage et les entreprises, les architectes, BET, contrôleurs techniques, etc. Cela m’a rendu modeste quant aux savoirs juridiques de mes confrères, mais les autres acteurs ne sont pas exempts de méconnaissance des textes et d’erreurs.
Ce n’est pas l’expert qui juge les affaires : il ne fait que proposer aux magistrats des solutions aux litiges, qu’il doit argumenter techniquement et financièrement. A l’exception d’un dossier (dans lequel je pense que le magistrat ne supportait pas qu’un maître d’ouvrage public puisse avoir tort), mes propositions ont toujours été suivies (avec quelques nuances, bien sûr) par les magistrats.
Le CCNRA
Avant la provincialisation des « Comités consultatifs de règlement amiable des marchés publics », il n’existait que le Comité consultatif national (CCNRA) dont les membres étaient désignés par arrêté ministériel. J’y suis nommé le 24 février 1992 pour les litiges entre maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre. Je suis de nouveau à la découverte de litiges aux origines diverses et variées.
L’Office général du bâtiment et des travaux publics
Les professionnels qui ont créé l’OGBTP en 1918² avaient compris que la réussite des opérations de construction pouvait être favorisée si les rapports entre les maîtres d’ouvrage, les architectes et les entrepreneurs étaient, dès le début des opérations, intelligemment organisés et limitaient donc les risques d’accidents ou de conflits. Avec cet objectif ambitieux, l’OGBTP a joué un rôle dans la création d’organismes visant la sécurité et l’hygiène des chantiers, le contrôle technique, les qualifications (OPQCB), l’assurance (SMABTP), les techniques (ITBTP), et même la normalisation (AFNOR).
A partir des années 70, l’OGBTP était administré par l’UNSFA et la FNB (devenue FFB), qui y déléguait ses représentants. Je suis l’un des administrateurs désignés par l’UNSFA.
² L’OGBTP a fêté son centenaire par une manifestation excellemment organisée par son Président, Paul-François Luciani.
La « Convention de compte prorata » était l’un des outils de l’OGBTP pour éviter les mésententes entre entreprises (entraînant souvent l’intervention de l’architecte et du maître d’ouvrage) à propos des dépenses d’intérêt commun. Quand il a été nécessaire de rénover profondément cette convention en 1989, j’ai été désigné pour animer le groupe de travail créé.
La Norme NF P 03.001
Les membres de mon groupe de travail peuvent être fiers, car les nouvelles dispositions de cette convention ont été reprises presque intégralement en 1991 dans la norme NF P 03 001 (et ses annexes) qui prescrivait les clauses générales applicables aux travaux de bâtiment faisant l’objet de travaux privés (CCAG des marchés privés). Quelques membres de mon groupe de travail ont participé utilement à la rénovation de la norme elle-même.
C’est d’ailleurs cet enchaînement (j’ai participé une seconde fois à la mise à jour de cette norme) qui explique pourquoi l’AFNOR m’a chargé d’écrire, sur la totalité des dispositions de la norme, un livre qui sera publié en 2000.
Toujours l’OGBTP
Si je n’ai jamais demandé à l’UNSFA (jusqu’en 2020) de me « libérer » de ma fonction de membre du Conseil d’administration de l’Office, c’est que j’ai pensé immodestement que je pouvais apporter aux travaux de l’Office, tellement utiles pour tous les protagonistes de l’acte de construire, l’expertise que j’avais acquise dans toutes mes activités d’architecte, de formateur, de négociateur, d’expert, de rédacteur d’argumentaires et, plus généralement de l’expérience des multiples groupes de réflexion auxquels j’ai participé.
Je remercie mes amis architectes et entrepreneurs, notamment ceux œuvrant au sein du Comité technique de l’OGBTP, de m’avoir bien supporté, et souvent, bien écouté.
Des textes de 1973 à la loi MOP.
Passé le vote de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, le CNOA, (président Alain Gillot) et l’UNSFA (président Joseph Brémond), se répartissent les rôles mais créent aussi des commissions mixtes pour traiter des problèmes de contrats publics et de concours. Merci Joseph, j’en suis, et même rapporteur. C’est pour moi l’occasion de dénoncer dans le rapport produit tous les défauts majeurs que j’avais détectés dans les textes de 73. On part en campagne auprès des pouvoirs publics (notamment Bernard Tricot) pour faire corriger les textes : un projet de décret (insuffisant) est prêt début 81, mais qui ne comporte aucune mise à niveau des taux dans le domaine du bâtiment pour des missions plus larges. La réforme est stoppée jusqu’à « l’après élections » … Mais après mai 81, tout est à recommencer avec un nouveau Président de la République, d’autres ministres, d’autres chefs dans l’administration, etc.
Disons quelques mots à propos des concours
Au cours des réunions CNOA-UNSFA, je suis le seul à réclamer la rémunération des avant-projets livrés par les architectes lorsqu’ils sont mis en concurrence : pour mes confrères, c’est impossible. Ils sont en outre, réticents à l’idée d’une sélection préalable, ce qui est pourtant indispensable lorsqu’on prévoit l’indemnisation des candidats ayant remis une étude. Ils se contentent de réclamer la réduction des prestations, alors que je leur explique que les maîtres d’ouvrage ne s’en contenteront pas3 et que, dans ces conditions, la systématisation des concours ouverts gratuits ruinerait rapidement la profession4.
Au terme d’une vaste enquête sur de nombreuses mises en concurrence des architectes, qui donnera lieu au « Dossier noir sur les concours d’architecture » (2e trimestre 1981), mes confrères me rejoignent pour une obligation d’indemnisation. Mon argumentation se résumait en deux phrases : - la remise (gratuite) d’une offre de prix de travaux par une entreprise n’a rien de comparable (on ne lui demande pas de construire la première travée d’un immeuble) avec le début d’exécution (esquisse ou APS) d’un futur marché de maîtrise d’œuvre, - en organisant un concours, le maître d’ouvrage passe « commande » d’une réelle prestation à trois ou quatre architectes : son bénéfice est qu’il peut choisir le projet qui lui plait le plus.
Mais faire inscrire dans les textes l’obligation d’indemnisation des architectes sélectionnés a demandé des années d’efforts à la profession puisqu’il a fallu attendre le 29 novembre 1993 pour la signature des décrets 93-1269 et 93-1270.
3 J’avais pourtant raison sur les exigences des maîtres d’ouvrage publics et cela n’a fait qu’empirer au cours des décennies.
4 Voir Passion architecture n°06 : « 200% de pertes pour 5% de bénéfice »
La loi MOP
Après mai 1981, c’est la MIQCP (créée en 1977 dans la foulée du vote de la loi sur l’architecture) qui, en 1981, est chargée de l’écriture d’un projet de loi (et non plus d’un décret).
Nous repartons pour plusieurs années d’une concertation fructueuse avec la MIQCP (Jean Millier président), puis avec les ministres concernés. Pour les architectes, Rémi Lopez, (président du CNOA), et Michel Delaporte (président de l’UNSFA) sont à la manœuvre, mais je leur fournis les cartouches.
La loi MOP est votée le 12 juillet 1985 mais avec un gros manque, car Jean Millier n’a pas voulu arbitrer le contenu d’une « mission de base » que les entreprises veulent limiter à l’esquisse, voire au plus à l’APS. C’est pourquoi la loi MOP prévoit de combler le vide par un futur décret « à négocier » (un autre fixera les règles sur les concours). En attendant ces décrets, la MOP ne peut être appliquée que très partiellement (maîtrise d’ouvrage publique, mandat, conduite d’opération).
La concertation reprend, et, comme je suis désormais le seul à détenir les outils depuis le départ, j’en suis. Elle connaît diverses péripéties, dont l’arrêt en urgence d’un décret dicté par les entreprises. La concertation durera huit ans : tous les ans, lors des congrès de l’UNSFA, son président interpelle les ministres sur leur lâcheté face à l’enjeu de la qualité du cadre de vie.
Le 29 novembre 1993, avec des ministres enfin sensibles à cet enjeu, les décrets MOP (93-1268, 93-1269 et 93-1270), tout à fait acceptables (Jacques Cabanieu, nouveau secrétaire général de la MICQP y avait grandement contribué), sortent enfin. Suivra même le 21 décembre 1993 un arrêté précisant le contenu des éléments de mission.
La signature des décrets « MOP » actait définitivement la disparition des barèmes d’honoraires des textes de 73, que la Commission européenne (et Bercy) interdisait depuis plusieurs années. Affolement des maîtres d’ouvrage et des maîtres d’œuvre.
Jacques Cabanieu suggère la rédaction d’un guide. Suivent six mois d’une concertation très difficile (j’en suis, évidemment) pour rédiger un guide acceptable par les maîtres d’ouvrage publics (dont les HLM !) : Bercy tente d’empêcher sa publication en juillet 1994 (alors que le journal Le Moniteur l’a déjà mis en page pour un supplément spécial !) Le courageux ministre Bernard Bosson force Bercy à reculer et signe la sortie du Guide, couramment dénommé « Guide de la MIQCP ».
Mes amis m’honorent quand ils disent qu’il y a, là aussi, un peu de « Ramus » dans la MOP, ses décrets et le Guide5.
De nouveau la formation
Sachant de la loi MOP, de ses décrets et du Guide, je passe à la formation des architectes (je constate tristement encore une fois qu’ils ont terriblement besoin de formation), ce qui me donne l’occasion de visiter la France pendant un an et demi.
Survient la CSPS (coordination sécurité et protection de la santé). Je pressens que, même s’ils n’ont pas l’ambition d’exercer ce nouveau métier, tous les architectes devront en connaître les principes. Je deviens « coordonnateur SPS » au terme d’une formation qui me confirme que les architectes « simplement » maîtres d’œuvre, ont quand même besoin de connaissances sur les rôles respectifs des acteurs, dont le coordonnateur SPS. C’est donc un nouveau chapitre ouvert dans mes formations principalement destinées à mes consœurs et confrères.
De fait, je n’arrêterai plus la formation effectuée pour divers organismes mais surtout pour le GEPA, principal centre de formation des architectes.
J’en voudrai éternellement (éternité désormais de courte durée) à tous les conseillers ordinaux qui se sont succédés pendant une quinzaine d’années après le vote, par une AG de l’UNSFA, du principe de la formation continue obligatoire, d’avoir rechigné lâchement à la mettre en place : ils sont responsables d’une partie des difficultés rencontrées aujourd’hui, non seulement dans l’exercice par les architectes de leur métier, mais aussi de la perte de crédibilité de la profession entière.
Les marchés publics et les directives européennes
Mes confrères de l’UNSFA (et même du CNOA) considèrent que je suis devenu « très sachant » dans quelques domaines. Ceci explique que je sois parachuté dans les groupes de travail qui se sont succédés au fil des décennies, jusqu’en 2018 :
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Sur les marchés publics : le code des marchés publics « bouge » peu ou prou au moins une fois par an (même depuis sa récente codification) et il faut chaque fois être vigilant sur les dispositions corrigées ou nouvelles. Du côté de la MOP, nous n’avons jamais laissé la loi et ses décrets évoluer sans intervenir. Nous avons aussi été très mobilisés quand Bercy a engagé une profonde réforme des CCAG qui sera actée par les décrets de 2009..
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Sur les directives européennes (services, professions) : constatant le processus compliqué et de longue haleine de leur confection et de leur adoption par les trois organes de décision de l’Union (Commission, Conseil, Assemblée), j’en ai conclu que nos efforts devaient porter sur leur transcription en droit français.
5 Voir dans le journal d’A de décembre 1994 (pages 11 à 14), l’article de Gilbert Ramus : « Loi MOP, pourquoi,comment, combien ? »
Réécriture ratée de la loi de 77
Catherine Trautmann, ministre de la culture, annonce publiquement le 21 avril 1997, le mise en route d’une grande réforme de l’architecture.
Dominique Riquier-Sauvage (présidente de l’UNSFA), raconte, dans Passion architecture n°70 6 les péripéties d’une très longue concertation. J’y participe, mais rapidement, je me rends compte que les services du ministère ont mis autour de la table, en plus d’organisations responsables (CNOA, UNSFA, SA) d’autres associations ou acteurs ne représentant qu’eux-mêmes : je constate qu’ils n’ont aucune idée sur ce qu’est la gestation d’une loi, ni sur les autres forces en présence, bref, sur le possible et l’impossible. Dominique et moi, nous pressentons qu’un texte rédigé dans cette foire de propositions irréalistes n’a aucune chance d’être votée par le Parlement, et peut-être, ne passera même pas le Conseil des ministres ! Mais la machine est lancée ; elle ira dans le mur dès qu’un premier projet filtrera hors des groupes de travail.
La grande réforme sur l’architecture se terminera lamentablement au Conseil des ministres du 6 février 2002, par une déclaration gentillette (non exempte d’erreurs7), de Catherine Tasca, nouvelle ministre de la Culture, qui n’était nullement responsable de ce fiasco.
Il reste quand même quelque chose de positif dans cette malheureuse aventure : c’est que les architectes ont commencé à comprendre l’intérêt d’une période post-diplôme de professionnalisation associant stage et formation, que réclamait l’UNSFA depuis de nombreuses années. Il faudra quand même attendre 2005 (et la rédaction par l’UNSFA du « carnet-métier ») pour que l’HMONP « Habilitation à l’exercice de la maîtrise d’œuvre en son nom propre » soit inscrite au 1° de l’article 10 de la loi de 1977 (par l’art. 3 de l’ordonnance 2005-1044 du 26 août 2005).
L’histoire de la TVA à taux réduit
Cette histoire mérite aussi d’être contée même si Dominique Riquier-Sauvage l’a évoquée dans PA 70 (page 44). Dans la loi de finances pour l’an 2000, le Gouvernement, usant d’une ouverture européenne, décide de réduire la TVA pour les travaux sur les bâtiments d’habitation de plus deux ans. Dans l’instruction fixant les modalités de mise en œuvre, les honoraires de maîtrise d’œuvre sont explicitement exclus. Pire, la profession d’architecte est précisément nommée en exemple des dépenses exclues de la TVA réduite ! Réactions de toute la profession qui magnifie le rôle de l’architecte pour la qualité du cadre de vie et pour la défense des intérêts des maîtres d’ouvrage. Sans aucun effet sur la Direction du Trésor qui ne corrige pas un iota de son instruction.
Le sénateur Jean-Jacques Hyest, ami de Philippe Roux (vice-président de l’UNSFA), nous obtient un rendez-vous à Bercy avec un sous-directeur du Trésor. Philippe et moi, nous reprenons notre antienne sur le rôle irremplaçable de l‘architecte. Mais un déclic dans nos têtes se produit lors des premières paroles du haut fonctionnaire. À peu près ceci : « Vous ne risquez donc pas d’être écartés …. ».
Nous comprenons que depuis deux mois, toutes nos organisations plaident à l’envers. Il faut au contraire plaider une réelle concurrence avec des entreprises qui prétendront pouvoir faire, elles aussi, la conception des ouvrages. Un second entretien au cours duquel nous pouvons utiliser un terme cher à la Commission européenne et donc à Bercy, de « distorsion de concurrence » nous permet d’obtenir gain de cause. Je simplifie à peine notre démonstration : nos prestations sont tellement banales que les entreprises vendront aux maîtres d’ouvrage les études de conception dont le coût, incorporé dans un marché de travaux, bénéficiera de la TVA à taux réduit, alors que nos prestations resteront au taux normal : « distorsion de concurrence » vous-dis-je.
C’est ainsi que l’instruction du 28 août 2000 prévoit enfin que, si les travaux ont lieu, les honoraires de maîtrise d’œuvre seront assujettis à la TVA à taux réduit. Nos partenaires ont ainsi pu bénéficier de notre action.
6 PA 70, numéro spécial des 50 ans de l’UNSFA, article de Dominique Riquier-Sauvage, pages 42 à 45
7 Mme Tasca est allée jusqu’à préconiser la collaboration des architectes et des BET, « afin d’avoir des références communes » ! Elle ignorait sans doute que, depuis la mise en œuvre des textes de 1973, les architectes avaient signé avec leurs partenaires, des dizaines de milliers de contrats de maîtrise d’œuvre !
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Réforme des sociétés d’architecture
Les modalités d’un exercice professionnel dans le cadre d’une société étaient innovantes dans la loi du 3 janvier 1977, mais elles étaient obsolètes vingt ans après. Une révision a bien évidemment été longuement débattue lors de l’interminable concertation évoquée ci-dessus (avec la ministre Catherine Trautmann) et qui ira au fiasco. Hélas, comme pour le reste, le texte sur les sociétés en résultant était médiocre et compliqué, et, de plus, ne correspondait pas aux études engagées par l’UNSFA sur les futures sociétés d’architecture. Les dispositions sur les sociétés ont été enterrées comme toute le reste du projet de réforme.
La modernisation des sociétés d’architecture restait donc à faire. La détermination de Jean-Louis Lissalde (président de l’UNSFA avant Dominique Riquier-Sauvage) sur ce sujet restait intacte.
Hervé Novelli, député d’Indre-et-Loire, ami de Jean-Louis, présidait au printemps 2003 la Commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée d'examiner le projet de loi d'initiative économique. Il offre à Jean-Louis l’occasion de moderniser enfin les sociétés d’architecture, au moyen d’un amendement à lui proposer dans les huit jours ! Jean-Louis me demande de l’écrire !
J’ai raconté cette réforme importante pour tous les architectes dans PA n°70 (pages 72 et 73) en édulcorant un peu la vérité, en disant « modestement » que c’était la Commission juridique de l’UNSFA qui avait rédigé les projets d’amendement. En réalité, fort d’une certaine connaissance des mécanismes parlementaires, c’est moi seul qui les ai rédigés en quelques jours et je les ai portés moi-même à Hervé Novelli à l’Assemblée nationale. La raison de notre discrétion est simple : Jean-Louis savait que si le moindre écho d’une possible réforme filtrait, tout le monde (notamment l’Ordre) voudrait s’en mêler, les discussions reprendraient et on laisserait passer cette occasion exceptionnelle d’une modernisation indispensable.
Hervé Novelli a fait adopter sans mal par sa Commission (puis par l’A.N. et le Sénat) mes textes d’amendements modifiant profondément les articles 12 et 13 de la loi de 778. La loi 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique (dite loi Dutreil) comporte dans ses articles 13 et 14 mes textes modifiant les articles 12 et 13 de la loi de 77. Cette action d’intérêt collectif est celle dont je suis le plus fier au titre de mes activités syndicales.
Au dernier moment de la navette parlementaire, quand il était trop tard pour intervenir, j’ai demandé à François Pélegrin, alors président de l’UNSFA, d’informer le CNOA et de justifier la démarche de Jean-Louis Lissalde. Les membres du CNOA ont évidemment été furieux d’être frustrés de « leur réforme9 » et en ont beaucoup voulu à Jean-Louis et à moi.
Mais finalement, prenant sans doute conscience que les architectes avaient immédiatement utilisé à leur profit les nouvelles règles des sociétés d’architecture10, leur ressentiment a été d’une durée « raisonnable », puisque le CNOA (merci à son président Lionel Dunet) a accepté que la remise de ma décoration de chevalier de l’Ordre National du Mérite par Alain Vaconsin, Président de l’UNAPL (et ancien président de l’UNSFA) ait lieu le 22 octobre 2008 dans les murs du CNOA, au 47e étage de la tour Montparnasse.
Passion architecture
L’UNSFA doit à François Pélegrin (président de l’UNSFA de 2001 à 2005) d’avoir « dynamisé » toutes les personnes nécessaires à la création d’un journal professionnel qui existe toujours vingt ans après son premier numéro.
J’ai la chance d’avoir eu la confiance des présidents de l’UNSFA et ainsi d’avoir pu écrire jusqu’en 2020 dans chacun des 72 numéros, aidé par les excellentes illustrations de Nicolas Depoutot. Je pense y avoir porté la bonne parole sur une multitude de sujets, ainsi que la justification argumentée de la position des architectes sur des questions parfois très contestées, de toutes natures, culturelles, sociales, juridiques, fonctionnelles, techniques, économiques, normatives. Je ne me suis pas privé de justifier le mal que je pensais de quelques (pas toutes) dispositions des directives européennes.
Je ne résiste pas au plaisir de signaler que mon premier article dans PA visait le « Développement durable » et que je suggérais déjà de réfléchir, lors de la conception, à ce que l’on pourra faire des matériaux que l’on a mis en œuvre11.
Malgré tout ce qui précède, j’ai exercé la profession d’architecte
Ce sujet n’est pas l’objet de la présente histoire.
Je dirai seulement qu’avec mes associés (mes anciens patrons), nous avons exercé notre profession en étant toujours conscients que la « production » des architectes façonnait petit à petit le cadre de vie d’un pays. Nous avons « officié » pour le logement (promotion privée et HLM), pour l’hospitalier (dont trois hôpitaux entiers), pour les bâtiments publics, les bureaux et l’industrie (dont les bureaux, l’usine et les entrepôts de la Sté NIVEA). Je suis reconnaissant à mes associés qui ont toléré la multiplicité de mes engagements.
Écrit à PARIS, le 15 janvier 2022
Gilbert Ramus 12
Mail : gilbertramus75@gmail.com
Site : gilbertramus.com
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8 Fort d’une certaine connaissance des mécanismes parlementaires, j’ai rédigé, pour chacun des articles 12 et 13 de la loi de 77 : - L’exposé des motifs, - Le texte de l’amendement proprement dit à insérer dans la nouvelle loi sur l’initiative économique, - Le tableau comparatif des articles 12 et 13 de la loi de 77 avant et après modification.
9 J’ai eu beaucoup de chance que Jean-Louis Lissalde me donne l’occasion d’écrire un petit morceau de la loi sur l’architecture, car je n’approuvais nullement le projet de l’Ordre sur les sociétés qui avait fait l’objet de sévères discussions au cours des travaux de la réforme ratée. Avec prétention, je dirais que les sociétés d’architecture l’ont échappé belle.
10 Je fais observer que les actuels articles 12 et 13 de la loi de 77 sont toujours ceux que j’ai rédigés, à l’exception de ce qui a été ajouté à l’article 12 pour tenir compte des modalités de reconnaissance des professionnels européens exerçant légalement la profession d’architecte. On a même résisté (à propos du 3° de l’article 13) au ministre Emmanuel Macron quand il a voulu uniformiser les règles des sociétés pour toutes les professions.
11 Voir PA 01 (juin 2002) : « Développement durable ». Le sens des deux schémas est clair : grâce à une dépense
appropriée de la réflexion (second schéma), on peut réduire tous les coûts à venir pour la vie et la fin d’un
bâtiment
12 Pour info : Gilbert Ramus est le père de Franck Ramus, (directeur de recherche au CNRS, professeur attaché à l’École normale supérieure, membre du Conseil scientifique de l’Éducation nationale) qui vient de recevoir de la Cognitive Science Society le prix international Jeff Elman 2022.